Je continue mes petits billets pour présenter mes compagnes, anciennes ou actuelles, en espérant raviver des souvenirs chez les vieux et faire sourire les jeunes.
Cette fois, c'est la première machine que j'ai possédée que je vous présente.
Je n'avais pas encore 16ans, j'habitais dans la région rouennaise et c'est Antoine un copain de classe qui m'avait refilé le virus, car je ne venais pas d'une famille de motards.
Nous étions en 3e et il venait au collège avec une 350 Peugeot d'avant guerre, ''restaurée maison''. La peinture avait été faite au rouleau et les jantes et autres pièces chromées avaient eu droit à de la peinture argent dont on se servait aussi (et surtout) pour repeindre les tuyaux de poêle ! L'engin avait une allure folle et son bruit affolait les passants.
A force de tourner autour, j'avais choppé le virus. Antoine connaissait un propriétaire de 125 Peugeot désireux de se débarrasser de son destrier dont il ne se servait plus depuis une dizaine d'années.
La machine était en bon état et à vendre pour...50F. Nous étions en 1969 et la Peugeot datait de 1954. Elle avait donc quinze ans.
Si on prend une machine actuelle de 15ans d'âge, on se rend compte qu'on tombe sur des machines finalement peu démodées, (nos Inaz!!!) alors qu'à l'époque, une 125 Peugeot était un dinosaure par rapport aux premières machines japonaises qui commençaient à pointer le bout de leur pneu avant. Il suffit d'imaginer la Peugeot à côté d'une Honda 750 Four ou d'une 450 pour imaginer l'écart.
Je suis donc allé récupérer la pétoire avec mon père, dans une Citroën 2cv fourgonnette empruntée au garagiste voisin. Une fois devant l'engin qui soudain me paraissait pourtant monstrueux, plus question de reculer.
Mon père a sorti un billet de 50F, nous avons fait les papiers avec le vendeur et chargé l'engin.
C'est à ce stade que cela devient délirant, puisque ma seule expérience d'un deux roues motorisé se limitait à une centaine de mètres parcourus avec une Mobylette antédiluvienne ! Aucune notion de conduite, de passage des vitesses ni de permis, évidemment, l'engin étant destiné à aller faire l'andouille dans les bois voisins.
En fait, c'était de l'inconscience pure, plus de la part de mon père que de moi d'ailleurs ! je n'ai jamais osé lui demander s'il avait cédé à mon caprice dans l'espoir de se débarrasser définitivement de moi, ce qui était quand même une des solutions envisageables en me laissant utiliser cette pétoire.
Nous avions à l'époque un jardin de 2000M2, triangulaire, qui sans être immense, permettait de faire des ronds et d'apprendre à conduire.
Ma mère, stoïque, avait droit au bruit du monocylindre dès mon retour des cours. Evidemment les devoirs n'étaient pas faits, la Peugeot était ma priorité et celle de mes copains qui squattaient la maison dès leur retour des cours. Nous avons tous appris à conduire sur cet engin en faisant des huit dans les allées !
Je vous mets une photo afin de vous laisser imaginer la scène : en une semaine, nous avons parcouru 700 kms (!) dans ce jardin ! Quand j'y repense je suis plié de rire.
Sous l'exaspération de mes parents, nous avons quand même fini par franchir le portail pour permettre à la Peugeot de s'ébrouer dans les bois alentours, non sans traverser la commune avec, sur la route et sans casque naturellement.
L'engin a résisté plus d'un an et fini détruit mécaniquement ce qui au vu des traitements infligés était on ne peut plus normal. C'est le pignon de la seconde vitesse (sur trois!) qui a fini par cracher ses dents, imité quelques semaines plus tard par celui de première puis celui de troisième. Entretemps, avec mes trois copains, nous avions fait l'acquisition de cinq autres pétoires du même style mais c'est une autre histoire.
Il y a quelques années, un ami a restauré la même Peugeot et me l'a cédée. Je ne roule pas souvent avec mais je la garde enfermée car Rodéo qui a découvert l'engin rêve d'en posséder une pour parcourir les petites routes de la vallée de l'Eure en bouchonnant les automobilistes et en enfumant au maximum les passants.
Venons en aux caractéristiques de ce fougueux destrier:
Le moteur est un monocylindre deux temps qui impose de mettre du mélange dans le réservoir (à l'époque, les stations services avaient une pompe délivrant du mélange) équipé d'une boite trois vitesses. Le cadre en tubes de chauffage repose sur deux roues rayonnées pourvues de freins à tambours qui étaient suffisants pour arrêter l'engin sur moins de 200 mètres vu que de toute façon il ne pouvait dépasser les 70km/h !
Evidemment, aucun frein moteur, 2 temps oblige.
Le démarrage se fait au kick et vu qu'il n'y a pas de batterie (allumage par volant magnétique), elle démarre par tous les temps.
La suspension avant est constituée d'un ressort coulissant entre deux tubes. Son efficacité est proche de celle de deux pompes à vélos assemblées en parallèle tandis que ce qui tient lieu de suspension arrière permet d'accentuer le sautillement engendré par les mouvements de l'avant !
Ce vélomoteur (catégorie du code de la route dans lequel sont regroupés les véhicules d'une cylindrée comprise entre 50 et 125cm3, les cyclomoteurs étant limités à 49,9cm3) m'a permis d'apprendre les rudiments de la conduite et le maniement des vitesses au pied.
Voila la Peugeot 125 que j'ai depuis quelques années. Il a existé un modèle de base dont le moteur ne comporte qu'une seule sortie d'échappement et n'arbore pas les sublimes et esthétiques sabot de protection des pieds !