Sur la planète moto, il y a des traditions qui sont censées se respecter: A quelques exceptions près, les italiens font les motos les plus stylées, les japonais sont doués en Hyper-Sportives, les allemands font des motos pour les riches, les anglais sont les maitres des café-racers, et les français sont les rois de la mobylette. Voilà. C'est comme cela, et c'est tout. Imaginez donc un japonais créer un Cafra à l'anglaise à partir d'un roadster basique de chez lui... Ridicule! Rien qu'à voir les excentricités qu'il sont capable de faire en matière de tunning, on craindrait le pire, et soyons sérieux, on ne fait pas un roast-beef avec des sushis! Et pourtant...
Ici, à Nagano, parmi 380 000 habitants vit Yoshinori Wakabayashi (atchoum!). Lui et son grand frère tiennent Double Work Shop, un magasin de custom plutôt axé sur le style chopper ou hot rod, beaucoup plus populaires là-bas que les streetfighters ou café-racers de chez nous, même si quelques fans existent. Leur site internet en témoigne (japonais première langue obligatoire), les réalisations de Double Motor Work sont parfois assez Rock'n Roll. Du chrome à gogo, des fourches de 12 mètres capables à coup sûr de capter la radio russe, des cadres à raz le sol... Il ne manque que les lanières de cuir, et les deux frangins passeraient sans problèmes pour des vrais ricains au pays du soleil levant. Et puis, en cherchant bien, au milieu de toutes ces becanes au look de mantes religieuse, se trouve une petite merveille, une espece de mélange moderne entre street et old-scholl, une prepa dans la pure tradition Cafra tellement aboutie qu'il paraît inconcevable qu'elle soit une réalisation japonaise. Et Pourtant, force est d'admettre que ce Bandit là est plutôt... fort de café!
A la base, un Bandit 1200 est déjà bien musclé. Si en plus on y loge un bloc de 1100R de 91, réalésé en 1216cm3, ça n'est plus un Bandit, c'est un meurtrier! Pour accompagner une telle horlogerie, rien n'a été choisi au hasard: Durites d’huile Goodridge, pistons JE, arbres et rampe griffés Yoshimura, ligne d’échappement titane K-Factory, embrayage renforcé, allumage Dyna 2000... Une vraie liste de Noël! Evidemment, un tel dispositif n'a pu être mis en place qu'après un sérieux charcutage du cadre. Yoshinori en a profité pour y greffer une boucle arrière démontable et des commandes reculées sur mesure en aluminium A7075. Les clignotants ont été replacés à des endroits originaux, et il a fallu concevoir également une nouvelle cabane à batterie, tant qu'à faire en aluminium aussi.
La finition de l'ensemble est admirable. Les yeux éblouis se régalent de chaque détail de cette mécanique transgénique, entourée d'une ligne d'échappement polie et bien élevée. Pour les trains roulants, Yoshinori ne s'est pas embarrassé et s'est allègrement servi sur une GSX-R 1000, que ça soit pour la fourche, les bras, l'amortisseur Ohlins ou les jantes. Là encore, l'alchimie est divine. La ligne est remarquablement équilibrée, entre grâce et brutalité. La machine, féline, semble prête à bander ses muscles... et le froc de ceux qui vont la croiser sur la route!
Yoshinori n'est pas peu fier de la créature dont il est entièrement le père. Seule la peinture a été confiée au frangin.
Alors que faire d'une telle poupée? La laisser dormir dans la vitrine du magasin? Que nenni! Ni une, ni deux, en trois tours de clefs à molette, réservoir et coque arrières sont changés par des semblables en fibre de verre, et la belle prend la direction du prochain circuit. Assistée d'un compte-tours Stack, d'un compteur digital Active et d'un chronomètre Yoshimura, elle enroule les tours de la plus belle manière, prouvant ainsi la qualité et la fiabilité du travail sur cette base de B12, qui, d'origine et ce n'est pas un aveu, n'est pas vraiment taillé pour la piste.
Et sur la route? « Sur la voie publique, je pensais avoir des problèmes avec les flics, mais en fait ça passe... », rassure Yoshinori. En France, on appellerait cela un délit de belle gueule!